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Write / Wrote / Written.

12 octobre 2009

Bribe 1.

Je déballais hâtivement mes cartons, pressée de retrouver mes petites affaires afin de métamorphoser cette chambre neutre en mon véritable cocon. C’est comme si j’avais, avec un malin plaisir, transvaser mon petit bazar d’une chambre à une autre. De nature matérialiste, tous ces objets faisaient intimement parti de moi, cela devenait un besoin, un nécessaire de survie, une bouée de sauvetage, un gilet de secours. Je passais l’après-midi entier à sortir mes bibelots bien rangés et à les déposer soigneusement à leur endroit respectif, marqué au fer rouge, d’une croix noire au sol, d’une aura incolore mais particulière souhaitant la présence d’un objet quelconque à une certaine place plutôt qu’à une autre. Je les prenais donc un par un, tendrement, comme un nourrisson qu’on chérit d’amour et, de temps à autre, ma nostalgie maladive courait d’une foulée commune aux côtés de mes souvenirs, aussi agréables que l’hiver et ses pics glacials. Je m’arrêtais dès qu’une babiole méritait un peu d’attention, autant dire que cet emménagement pris du temps. L’après-midi me parut suspendu entre deux temporalités, proches de un à trois ans environ, voire plus. J’errais d’une année à la suivante grâce aux mouvements mécaniques de mes bras défaisant les précieux paquets. Au bout de quelques heures cette chorégraphie incessante me rendit folle et je fondis en larmes, sans aucune raison apparente. Ce fut tout d’abord de simples rigoles mais à la vue de la photo qui dépassait sournoisement de son album d’origine, ne dit-on pas que les petites rivières font les grands fleuves ? Contrariée d’avoir été prise au dépourvu naïvement, exaspérée de cette sensibilité, maladie incurable, j’enfonçais violemment mes écouteurs de mousse dans mes oreilles et poussait le son à son maximum. Finalement je repris ma gestuelle organisée, un mouchoir dans une main, une babiole insignifiante dans l’autre, ainsi de suite jusqu’à vider entièrement mes cartons et à les jeter brusquement sur le dessus déjà poussiéreux de mon armoire bancale. Je m’affairais à préparer mon lit, une couette orange mettrait un peu de couleurs dans ce lieu terne. Je m’assis lourdement sur ma couchette, fatiguée. Un sentiment de solitude et la soudaine nécessité de voir de simples visages me submergèrent. Je n’avais rencontré personne depuis…depuis combien de temps étais-je cloitrée entre ces quatre murs blancs hôpital ? J’étais maintenant désarmée, seule, face à cet ensemble commémoratif que formait désormais mon cocon. Les flots de souvenirs m’assaillaient sans prévenir, sans être sollicités, et je me laissais recouvrir de cette carapace inviolable qui est celle du regret. Le regard fixe, les yeux perdus dans le vague de mes pensées nauséeuses, je me laissais aller, rêvant, le labyrinthe tortueux de ma mémoire pour unique compagnie. N’importe qui serait rentré à cet instant m’aurait jugé imbécile quand je m’étais mise à rire nerveusement. Un grand éclat, aussi soudain qu’un coup de tonnerre. Quand mes yeux me piquèrent, je pris conscience de la bêtise dans laquelle je plongeais tête baissée.

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